Le Plus Grand Matin du monde

Jacques Morhange, architecte français, travaille au Liban et a rapatrié sa famille en France, par crainte de la guerre. Un jour, il est appelé : son fils Elie, dix-sept ans, est dans le coma après un accident sûrement volontaire. Au chevet de son fils, Jacques Morhange redécouvre ses proches : une femme libanaise exilée qui déprime, une fille qu’il apprend enfin à connaître. Il enquête sur le geste de son fils, obtient le journal qu’Elie tenait. Dans celui-ci, Elie explique le sentiment d’abandon paternel progressif qu’il a ressenti. En guise de renaissance, Jacques Morhange continue le cahier d’Elie. Le jeune homme finira par sortir de son coma.

Kochka a choisi une construction subtile pour Le Plus Grand Matin du monde. Le narrateur est externe, mais complètement centré sur la psychologie de Jacques Morhange. Les pensées de ce personnage sont exprimées via l’usage constant du discours indirect libre (nombreuses formes interrogatives, points de suspension). Ce faisant, le lecteur garde une distance et donc peut avoir une réflexion vis-à-vis de cet homme désespéré, quasiment errant. De même, le réveil d’Elie est simplement signifié par quelques lignes d’épilogue ; pudeur et sobriété sont de mise pour mieux toucher. Les récits dans le récit constituent eux la trame du roman : souvenirs de Jacques, histoire d’Adèle, journal d’Elie ponctuent et éclairent la situation présente d’attente. Ces mises en abyme sont habiles à traduire sans lourdeur comment des relations familiales apparemment simples ont pu en arriver là. A partir d’une guerre précise (préface explicative et note finale de l’auteur sur le Liban), Kochka donne un exemple universel. Les guerres ont des dommages collatéraux, qui, parce qu’ils ne tuent pas dans leur périmètre géographique, sont facilement oubliés… Ce roman fait écho ou/et suite à La Fille aux cheveux courts, paru aussi chez Thierry Magnier en 2000.