Le repaire

« A l’école, il y a un trou derrière le gymnase. On l’appelle le Trou. »

Dans ce fossé béant, la nature a repris ses droits ; les branches, les racines, la terre jaune et les grandes pierres offrent aux élèves un terrain de jeu aux possibilités illimitées. Mais l’attraction irrésistible du Trou et le plaisir évident des enfants n’ont aucune prise sur l’inquiétude grandissante des adultes : quelqu’un pourrait se blesser. Pourquoi ne pas jouer sagement au ballon ou à la balançoire ?

Attention : énorme coup de cœur pour cet album délicieusement critique. Grande ou petite, toute personne ayant eu la chance de grandir près de la nature se reconnaîtra dans la magie que représente un espace de verdure : à la fois terrain de jeu et d’apprentissage, la nature offre un cadre idéal au développement de l’imaginaire. Mais devant ce qui peut sembler un espace hostile et risqué, l’adulte ne peut s’empêcher d’intervenir avec ses craintes. À force d’évoquer l’accident potentiel, il arrive bel et bien... Adèle tombera sur les marches de l’école, trahie par ses lacets. Les enseignants utiliseront l’incident pour faire reboucher le Trou, bien que ce dernier n’ait joué aucun rôle dans le nez ensanglanté de la petite malheureuse. Les enfants ne sont pas dupes et parviendront à retrouver bâtons et cailloux : l’appel du monde sauvage sera toujours plus fort.

L’autrice-illustratrice souligne l’importance du jeu libre ainsi que du contact avec la nature, tout en témoignant malicieusement que la jeunesse a davantage besoin de la confiance de l’adulte que de ses angoisses, souvent bien intentionnées mais parfois mal placées. On se régale de cet album qui se moque gentiment des grands ; un humour et une franchise que l’on retrouve dans les illustrations hautement expressives et joyeuses. À ne pas manquer.