Le retour de Cherokee Brown

Claire Weeks habite Londres avec sa mère, aimante mais distante, son beau-père, un coach de vie à l’exaspérante bonne humeur, et ses deux petits demi-frères. Elle vient d’avoir quinze ans et porte tout le malheur du monde. Suite au départ de sa meilleure amie, elle est en effet devenue la cible de moqueries au lycée, tandis qu’elle ne se sent pas non plus à sa place dans sa famille parfaite. Par hasard, elle va découvrir la présence toute proche de son père biologique, dont sa mère lui a toujours tu l’existence. Contre l’avis de tous, Claire renoue avec ce père fantasque, musicien aux origines indiennes qui lui offre son prénom de naissance, Cherokee, et qui l’encourage à s’affirmer et à croire en ses rêves.

Nous sommes censés lire le travail de Claire/Cherokee, qui veut devenir romancière et s’est prise pour sujet. Les têtes de chapitres s’agrémentent ainsi de conseils d’écriture lus par la jeune fille, et le récit s’émaille de notes à propos même du roman qu’elle compose. La construction linéaire ne s’embarrasse pas de détails ou de souvenirs, se concentrant sur les sentiments actuels et tranchés de Cherokee, qui a choisi le camp de son père et refuse de comprendre sa mère.
De fait, le portrait psychologique de l’héroïne va étonner. Alors que le retour de ce père prodigue aurait dû la déstabiliser, il lui apporte instantanément la confiance qui lui manquait. Elle trouve la force de s’opposer à ceux qui la harcèlent au lycée – on notera la violence des relations entre les jeunes, et l’aveuglement total de la mère et du beau-père. Cependant, la façon qu’a Cherokee de presque idolâtrer ce musicien « cool » et sans contraintes, bien que typique de l’adolescence, est un peu gênante aux yeux des adultes, et l’homme aura la décence de savoir se mettre en retrait quand nécessaire.
Le Retour de Cherokee Brown convainc par son beau portrait d’adolescente qui se cherche. Cherokee souffre, elle erre, elle trouve des racines et des issues à son malaise. Mais le milieu musical si branché sonne de manière plus artificielle : la probabilité que le père de la jeune fille soit cet homme hors du commun était faible… Quelques effets de style (le concert boueux, le final à Paris…) peuvent alors agacer. Reste un roman d’apprentissage aux sentiments fins et justes.