Le Temps de la Décroissance

En même temps que professeurs, les auteurs se veulent militants de la décroissance : le vocabulaire est vif, le ton parfois véhément, avec des phrases (longues) étayées d’exemples et des expressions qui font mouche : « Le fleuve de l’économie de croissance est sorti de son lit, il déborde et menace de tout emporter sur son passage. » (p. 69). L’ouvrage se construit comme une dissertation, en deux temps : pourquoi il est nécessaire d’agir, ce que l’on peut faire. 2060 serait la date-butoir après laquelle la planète ne pourra plus supporter notre système capitaliste de surproduction industrielle et de surconsommation. Apparue avec les Lumières, l’idée de progrès constant s’est retournée contre l’homme, les 30 Glorieuses n’étant qu’un leurre avant l’effondrement. Un point essentiel est celui de la perte de la maîtrise de notre temps. La décroissance est justement basée sur l’éloge d’une certaine lenteur. Il ne s’agit pas de se comporter en nostalgiques du passé, mais de rénover une tradition, de « vivre autrement le même monde ». Repenser l’habitat et la vie urbaines, favoriser l’autoproduction et les services de proximité, travailler moins pour vivre mieux, privilégier les relations humaines… sont autant de pistes souhaitables pour réduire notre empreinte écologique sur la planète. Cette voie de la décroissance, à construire ensemble, évite l’écueil d’une croissance négative au sein d’un système libéral qui continuerait à enrichir les plus aisés. Ouf ! Quelle leçon enthousiasmante ! Serge Latouche et Didier Harpagès sont extrêmement convaincants et leurs arguments humanistes portent ; sur le moment, on est évidemment d’accord avec eux. Après, il faudra certainement se tourner vers des ouvrages approfondis, proposés dans la bibliographie. Et ne jamais laisser affleurer dans son esprit la pensée que la décroissance pourrait n’être qu’une douce utopie… au risque de se décourager. Un ouvrage citoyen très clair, à lire pour s’instruire, en essayant d’agir !