L’Elfe du Grand Nord

Magda, une sorcière malfaisante venue des entrailles de la terre, détruit le peuple des Elfes, qui vit dans des galeries sous le pôle nord. Seul un bébé, Nikolaï, en réchappe. Conduit par des rennes volants chez les humains, il mène une enfance quasi-normale si ce n’est qu’il a des oreilles pointues et qu’une petite fée, Elvina, l’accompagne partout. Voulant découvrir ses origines, le jeune garçon suit la famille de son amie Anneka qui déménage à Doransk, cité fabuleuse où tout le monde part faire fortune. Mais Doransk n’est qu’une création de Magda, qui vole les âmes des enfants pour rester jeune et belle. Nikolaï va tenter de délivrer les humains, et de ressusciter son peuple.

Lucy Daniel Raby donne à son roman fantastique une trame « traditionnelle » : le rescapé d’un peuple, élevé dans l’ignorance de ses origines, part à la reconquête de celles-ci, se découvre être l’ « élu », et doit combattre un méchant pour sauver des milliers de personnes. Mais par petites touches fines, l’auteur a su se servir de contes célèbres de façon à créer une atmosphère d’une densité toute particulière. Nikolaï est accompagné d’une fée Clochette à la Peter Pan, tandis que Magda a des faux airs de la reine de pique d’Alice au pays des merveilles. La construction de Doransk, ville-Eldorado au beau milieu des glaces, est une trouvaille fascinante, riche de possibilités que l’auteur ne se prive pas d’exploiter (j’ai eu curieusement l’impression de revivre une scène d’un Star Wars, à l’arrivée sur une nouvelle planète, mais chacun y verra l’univers enfoui dans ses souvenirs). La mobilisation des enfants dans les souterrains rappelle quant à elle le rassemblement du Boreal Express de Chris Van Allsburg. Syncrétisme heureux et suffisamment universel pour parler à tous, L’Elfe du Grand Nord n’en possède pas moins ses propres ressorts : la légende du Père Noël est complètement revisitée de la manière la plus malicieuse et inventive qui soit… Tout se passe dans les dernières pages, les jalons au fil du texte étant restés inaperçus, puisque c’est le propre du roman de toucher à tout ! Côté psychologie, le héros timoré n’a ni le physique ni le tempérament d’un jeune premier ; c’est un petit garçon attendrissant qu’on a envie de protéger, qui prendra de l’assurance au fil de ses aventures suivies par un narrateur externe. Tous les autres personnages sont attachants, peu nombreux finalement, les plus drôles étant les huit rennes jamais d’accord entre eux. Complet, enchanteur sans naïveté, ce beau conte a toutes les chances de devenir une référence de Noël !