Les autres Shepard

Holland et sa jeune sœur Geneva Shepard vivent avec leurs parents à New-York, dans une jolie maison et un quartier agréable, mais surtout dans le souvenir de trois autres enfants qu’elles n’ont jamais connus, décédés d’un accident de voiture dans leur adolescence… En décalage avec des parents âgés, malheureuses de se sentir en deçà de leurs espérances, les deux sœurs ont développé des petites obsessions destinées à dériver leur malaise.
Holland est très sensible (une « guimauve », comme dit sa mère si solide), Geneva phobique de propreté et prompte à vivre dans son imaginaire.
Alors qu’elles-mêmes sont en âge de décider de leur vie, la situation devient intenable. Puis arrive Annie, peintre chargée d’une fresque dans la cuisine pour l’anniversaire de la mère. Instinctive et un peu fofolle, Annie va entraîner Holland et Geneva dans son sillage, jusqu’à oser leur faire entreprendre un voyage dans la maison de vacances, lieu chargé d’émotions où les parents n’ont jamais voulu revenir…
C’est Holland qui raconte, protectrice de sa petite sœur, bouillonnante d’envies sous son apparente sagesse. Si Annie est le déclencheur pour Geneva, Holland s’en émancipe plus vite. Mais cette mystérieuse jeune femme, de plus en plus débraillée, de plus en plus pâle, accompagnera malgré tout les deux sœurs jusqu’au bout de leur périple géographique autant qu’émancipateur. Il y a un moment où le lecteur bascule, comprend la vérité avant Holland et Geneva. Mais il suivra les filles jusqu’au bout, ému de leur évolution et de la façon discrète dont elles se séparent d’Annie. Sur un texte dense au présent et comme une petite musique d’écriture sensible, Adèle Griffin ose une histoire de deuil familial un peu fantastique, résolument nécessaire.
Joli.