Les Doigts dans la tête

Les Doigts dans la tête n’est pas le premier film de Jacques Doillon, mais c’est celui qui, en 1974, le fera connaître avec un succès à la fois public et critique. L’histoire est la suivante : Chris, apprenti boulanger, partage son temps entre la boulangerie, sa copine Rosette et son ami Léon le mécano. Après une nuit avec une jeune Suédoise, Liv, il arrive en retard au travail. Le patron le licencie. Soutenu par ses amis et conseillé par un syndicat, Chris va résister en occupant sa chambre au-dessus de la boutique. Le film se focalise alors sur un huis-clos entre Chris, Léon, Rosette et Liv dans la petite pièce. Les adolescents se cherchent, se croisent, s’aiment et se détestent… avant de se confronter finalement à la réalité extérieure des adultes.
Après la transcription du scénario intégral, l’ouvrage propose une courte partie « la fabrique du film » : quelques impressions d’une des actrices, Ann Zacharias (Liv), et la version de départ du scénario, plus bavarde et explicite que la finale. Une « analyse de séquence » compare ensuite une scène de malaise jaloux de Rosette au cinéma de Bergman, qu’admire Doillon. Un « entretien avec Jacques Doillon » revient sur la jeunesse du réalisateur, puis les circonstances de ce film qu’il qualifie d’ « amateur ». Il n’a pas de méthode, cherche simplement à ce que les scènes se fassent et se refassent jusqu’au plus juste. Il insiste sur l’importance de la rencontre avec ses comédiens, des non-professionnels comme souvent. Enfin, dans « ciné-fiction », Sophie Maurer imagine un monologue de Chris à propos de Liv, de longues phrases parlées et poétiques, interprétation assez lointaine du journal intime du jeune homme qui intervenait en off dans le film. Cahier central de photographies, lexique et filmographie : tout y est ; on regrettera juste l’absence de mise en contexte social de l’époque (l’après-68). Une collection ambitieuse et prometteuse, inaugurée avec brio par un cinéaste de l’émotion de l’enfance et l’adolescence.