Les Enfants-Soldats

En Sierra Leone, la situation politique n’est pas stable. Des rebelles de différentes factions organisent une guerilla contre le pouvoir en place et les civils ne sont pas les derniers touchés. Martin, 13 ans, son petit frère Ernest et son ami Birma jouent à se faire peur, avec des fusils en bois… jusqu’au jour où ils sont enlevés par une petite troupe de rebelles et enrôlés de force comme soldats. Ils vivent trois mois d’horreur, drogués et saoulés pour avoir moins peur, les premiers au combat pour baliser le chemin des adultes. Finalement libres et vivants, ils auront encore tout un long travail de réadaptation à faire, où la parole jouera un rôle central.

Les enfants-soldats, tout le monde en a entendu parlé. La télévision donne à voir régulièrement cette réalité, la presse en parle… Quelques documentaires existent, mais peu de fictions, tant il est délicat de se mettre à la place de ces jeunes perdus, acquis à la première cause venue, même mauvaise. Jean-Marie Defossez réussit avec sensibilité et sans dramatisation à outrance l’exercice. Se focalisant autour du personnage central de Martin, le narrateur externe décrit sans complaisance les états psychologiques du garçon, n’occultant pas la dimension de fascination pour les rebelles que celui-ci éprouve. Les combats, les entraînements, le viol répété dont est victime une jeune captive sont décrits assez rapidement ; c’est la vie quotidienne du camp – repas, beuveries, travaux divers, vie commune… - qui est au centre de l’intérêt de l’auteur. Le « pas » infranchissable pour Martin sera l’acte de tuer, et, avec une histoire amoureuse en filigrane, l’amènera à sortir du cercle destructeur de la guerre. On appréciera la construction en deux parties de l’ouvrage, le dernier tiers étant ainsi consacré à l’ « après », et la lente reconstruction de ces enfants détruits, qu’on pourrait occulter faute de savoir. Les Enfants-Soldats (titre sobre, il n’en faut pas plus) est réaliste, grave, mais est aussi une histoire qui se lit sans lourdeurs, ce que je reproche souvent à la collection J’Accuse chez Syros, parfois trop pédagogique (sans généralisations toutefois). Pas de dossier documentaire ici, mais le lecteur est tout à fait libre d’approfondir le sujet.