L’Horloge du temps

Depuis quelque temps, la ville de Londres est en proie à des tornades temporelles qui projettent gens et objets à travers les siècles. La jeune Silver, gardienne qui s’ignore d’une vieille horloge mystérieuse, le Garde-Temps, devient la convoitise de Regalia Mason et Abel Abysses, deux rivaux dans la conquête de la maîtrise du temps. Aidée par les Divergents, habitants des souterrains de Londres, Silver va tout faire pour rétablir la bonne marche du monde.
Il existe une filiation certaine entre l’Horloge du temps et La Croisée des mondes de Philip Pullman : même héroïne courageuse qui sauve des enfants d’expériences hasardeuses, omnipotence d’une institution, le Quantum, aussi ambigüe que le Magisterium, rôle des Divergents proche de celui des Gitans… Lyra et Silver sont de lointaines parentes. Mais l’auteur emprunte aussi ponctuellement l’atmosphère de certaines scènes au Magicien d’Oz, à Alice au Pays des merveilles… Jeannette Winterson connaît ses classiques en littérature merveilleuse, et se les approprie pour nous offrir une création originale et intelligente. L’idée de l’exploitation du temps, mise en parallèle avec le pillage des réserves de la planète, fait froid dans le dos et incite à une réflexion subtilement distillée sur le développement de nos sociétés occidentales. Dans quelle mesure L’Horloge du temps ne préfigure-t-il pas notre véritable avenir ? De manière plus légère, il s’agit d’un roman d’aventures bien rythmé, plein d’humour. Le rire est basé sur les personnages, à commencer par l’odieux lapin Bigame, sur le décalage (les Divergents voient dans les motos des « poneys à pétrole »), sur la langue aussi, avec de nombreux jeux de mots et expressions sur le temps. On évoquera les papes et les calendriers, le Triangle des Bermudes… Eternelle étonnée, Silver est suivie par un narrateur omniscient auquel nous emboîtons le pas sans hésiter, pressés (par le temps !) de parvenir à une fin toutefois assez convenue sur le pouvoir de l’amour.