L'isba de la mouche

Pauline Kalioujny entraîne son lecteur dans l’univers très joyeux d’un conte populaire russe d’Afanassiev, La moufle, qu’elle revisite. Sa technique favorite : la linogravure. Sa gamme, très colorée, est volontairement limitée. Rouge, noir, blanc, bleu vif participent à l’action.

Une isba belle comme une image de chocolat, avec ses ciselures, contamine l’écriture : force des répétitions et diversité caractérisent les animaux qui viennent y habiter.

À sa fenêtre, une mouche. Une mouche, vraiment ? Oui, une mouche « sainte-nitouche » avec ses yeux à facettes, ses antennes et ses petites ailes. Elle est bien belle, tout de rouge vêtue, dans le bleu et blanc d’un hiver qui s’éloigne.

Si belle qu’elle attire, dans « sa belle isba », le pou qui mordille, la puce qui sautille, le moustique qui pique, la souricette « ramasse-miettes », le lézard « frétillard ». Viendront encore le lapin, le renard, le loup, jusqu’à l’irruption de l’animal colossal aperçu dans les pages de garde et la chute très surprenante.

Texte et images s’interpénètrent et la belle isba, sous les griffes de l’ours, « le gros fracasseur », paraît bien menacée. Les yeux ronds des animaux agglutinés dans l’isba témoignent de l’effroi…

Grâce à leur rythme, tous les contes de randonnée sont porteurs d’une écriture joyeuse. Le double principe de répétition et de la variation ancre les formulettes dans l’oreille du lecteur-auditeur. S’y ajoute aussi la richesse lexicale des mots rares, « fracasseur » ou « frétillard », qui font image. En sous-texte puissant, la mise en images enrichit la compréhension du conte et voir l’ours se frotter le derrière suffit à comprendre qu’on a toujours besoin d’un plus petit que soi ! Magistral et jubilatoire.