Alors, ça mord ?

Un trou bleu clair dans la page beige, quelques taches blanches éparses. Devant cette ellipse, un pingouin massif, l’air grognon tient une canne à pêche. Donc, nous sommes au milieu de nulle part, sur la banquise et le titre « Alors, ça mord ? » nous invite à une partie de pêche.

Tableau suivant, un lapin réjoui entre en scène. Il interroge le pingouin grognon « Alors, ça mord ? », seule réplique du pingouin, impavide, « Chut ». Page suivante, le lapin désolé tire la conclusion « … Ça mord pas ? ».

Arrive ravi, un morse aux longues défenses, même question. Le pingouin ne répond pas. C’est le lapin qui va répliquer « Non ! ». Un nouveau thème est introduit, « Pourquoi ça mord pas ? ». L’intérêt dramatique monte avec l’arrivée du phoque, de l’élan, de l’esquimau, de l’ours blanc, du caribou qui peu à peu, envahissent les pages. Tous s’interrogent, « Ça mord pas, alors que ça devrait » … Parce que l’appât est du saucisson !

Au fil des pages, les personnages envahissent l’espace et leurs regards, leurs attitudes trahissent tous leur perplexité « POURQUOI ? ». Question angoissée, adressée aux lecteurs.
La réponse va venir, donnée par des poissons réunis sous la banquise … Et elle est savoureuse !

La force comique de cet album tient à sa théâtralité. Chaque double page figure une scène : une entrée tonitruante d’un nouveau personnage par « jardin » (page gauche) et une réplique désolée, perplexe des personnages accumulés par « cour » (page droite). Graphiquement, tout est construit autour du pingouin fixe. Seules, la page initiale qui situe l’action et la page finale, ne présentent pas le pingouin, pivot de l’illustration et de la narration.

Une merveille d’intelligence graphique et narrative, un concentré de comique. À mettre entre toutes les mains.