Loin de Ghadamès

Malika, musulmane de 14 ans, vit à Ghadamès, une ville du Sahara, à la fin du XIXème siècle. Elle doit se marier et vient de refuser trois prétendants, car elle a en secret choisi Abdelkarim, proscrit de la communauté. Ils finissent par se marier, partent tout se suite vers le nord. Malika se lie d’amitié avec Cassandra, fille du consul britannique, puis plus tard avec un moine français qui veut aider la population pauvre. Elle voit son mari évoluer imperceptiblement : enseignant dans une école coranique, il n’est pas loin du fanatisme, et se sert de sa femme comme d’une espionne. Malika lui sauve la vie dans une tempête de sable, accouche d’une petite fille. Sa fidélité et son amour remettront les idées d’Abdelkarim en place.

Loin de Ghadamès est la suite des Ombres de Ghadamès, publié en 1999 et qui avait eu un succès certain. On y laissait Malika confinée dans sa maison natale au milieu de femmes, mais ayant tout de même appris à lire et écrire, son seul acte de liberté. Abdelkarim était parti étudier dans une confrérie religieuse qui prônait le retour aux origines pures de l’Islam. Les voilà réunis dans ce second tome, et une fois encore, la femme a la part belle avec Joëlle Stolz. Dite faible, censée obéir aux hommes de sa vie, c’est elle qui est, dans l’ombre, la plus forte, elle qui a les enfants, et mène ce faisant la maison. L’homme ne fait que partir, revenir, donner des ordres qu’elle exécute certes, mais à sa façon. L’indépendante et intelligente Malika ne manque pas à cette manière de fonctionner, et en plus parvient à s’échapper du poids de la vie quotidienne en province – thème principal du premier ouvrage. Bravant d’abord son père, elle s’opposera ensuite à son mari, menaçant de partir avec l’enfant qu’elle porte. Abdelkarim, l’homme, lorsqu’il agit seul et loin de son foyer, se fourvoie dans un fanatisme discrètement évoqué, mais retrouve une juste mesure dès qu’il se rapproche de son aimante et volontaire femme. On voyage beaucoup dans cet ouvrage, contrairement au premier. Le lecteur apprend à connaître le désert et les caravanes, les oasis et les campements. Un souffle que l’on pourrait qualifier d’épique court ainsi tout du long de Loin de Ghadamès. Avec le même ton proche et complice de ses personnages, Joëlle Stolz les fait littéralement se lever et vivre sous nos yeux. L’histoire est simple, mais possédée par un dynamisme sans faille. Les questions politique (la colonisation et ses complexités) et religieuse (extrémisme) déjà problématiques à cette époque sont présentes, mais c’est bien Malika la narratrice, femme orientale atypique, qui est au centre de ce très beau roman à lire sans attendre.