Lumière

Svetlana est une Parisienne des Lumières, fille d'une peintre et d'un auteur de l'Encyclopédie. Mais elle est aussi d'origine russe, une origine nimbée de flou : que sont devenus ses parents biologiques alors que sa famille d'adoption française l'a emmenée précipitamment hors de Russie quand elle était toute jeune ? Armée d'une lettre de recommandation de Diderot et de l'argent de la vente des œuvres de sa mère décédée, Svetlana part en direction de Saint-Pétersbourg. Le voyage est atrocement long, elle perd son père fragile en route.

Elle rencontre aussi Aliocha, un jeune Cosaque débrouillard dont la famille a été tuée par Catherine II. Et puis Svetlana apprend qu'elle serait une Sorcière de l'Oural, chargée de repousser les dieux anciens néfastes à l'humanité. Sa mère, perdue mais vivante, a déjà mené ce combat autrefois et c'est alors qu'elle l'a abandonnée aux bons soins de deux amis français. Aidée des dieux pacifiques, soutenue au fond par Catherine II qui défend l'orthodoxie contre le paganisme, Svetlana maîtrisera-t-elle ses nouveaux dons aussi rapidement qu'il le faut ?

L'intrigue est riche, entre rigueur historique et fantastique aux accents slaves. On pense beaucoup à la série Nina Volkovitch, qui mettait en scène une jeune fille dans l'URSS de Staline, confrontée à un combat surnaturel avec des icônes. Carole Trébor renouvelle toutefois l'histoire, avec ici une blonde héroïne qui dit « je », un rapport aux Lumières interpellant le jeune lecteur français, des épisodes au souffle romanesque.

La Russie impériale et ses bals appellent une langue fluide ; les dieux et Aliocha, proches de la nature, touchent au cœur. L'auteure adapte ainsi avec subtilité son style au contexte et aux événements – celui de Nina Volkovitch était beaucoup plus rude, strict. A l'issue d'un premier affrontement réussi contre un dieu néfaste pétrifié en diamant, on a vraiment envie de savoir la suite ! A noter un appendice final sur le XVIIIème siècle, et quelques mots très pertinents sur l'écriture d'un roman historique ou fantastique.

« Une boule dans ma gorge m'empêche de parler. Je ne veux pas de leur mystère, je veux mes parents, je ne veux pas de leur magie qui plane au-dessus de moi comme un nuage obscur, non, je veux seulement mes parents, leur philosophie, leur rationalité. » (p. 149)