Ma maison à moi !

Ma maison à moi ! est un récit qui rapproche de l’enfance, grâce aux autrices Sarah Zambello et Chiara Raineri qui remettent leurs pieds dans les traces de la fillette qu’elles ont été, ou qu’elles auraient peut-être aimé être : une enfant libre, autonome, qui joue et s’émerveille, qui rêve et fantasme dans un univers qu’elle s’approprie.

Le monde, que la protagoniste investit comme sa maison, se révèle au milieu du pré, accessible par un portail qui donne sur un bosquet d’arbres, aux troncs noueux comme « des murs ridés ». Là, au milieu de leurs feuillages crayonnés qui leur font comme des crinières, en soufflant les fleurs de pissenlit qui s’échappent loin dans le ciel, l’enfant accomplit l’acte magique, et en tournant la page, la porte s’ouvre.
Des doubles pages en gros plan présentent ses compagnons de jeu, l’escargot, la belette et le blaireau, le canard en tissu, plus loin le renard et le lièvre, la grenouille en peluche, le hibou et l’écureuil, le bestiaire de la forêt pactisant avec les peluches... Tous ont un nom et vivent dans cette maison. Le sol est une prairie, il est « tout doux, mouillé, ou qui pique les pieds », et le plafond « change tous les jours ». L’imagination se projette : sur le tronc des arbres se trouvent des portes secrètes et des fenêtres aux volets bariolés ; au sol, l’espace se meuble page après page, de cachettes ou de berceaux (improvisés dans des tiroirs, car il en faut pour loger tout ce monde), de fauteuils et d’étagères, de mobiles accrochés aux branches et de plantes en pot.

La vie s’organise, avec le jeu et ses variations, ses déploiements entre réel et imaginaire, figurés par Chiara Raineri grâce au contraste entre les arbres gris, formes de papier rapportées, qui apparaissent comme de grands fantômes au milieu de la prairie verte striée de ses brins d’herbe et animée de fleurs sauvages aux corolles fragiles. L’enfant, les pieds noyés dans la verdure, a ôté soigneusement ses chaussures à l’entrée et posé son cartable en entrant dans le jeu, et le lecteur·trice, à son tour est emporté·e dans ce nouveau pays imaginaire. La richesse des suggestions textuelles et graphiques est inépuisable et source d’un intérêt sans cesse renouvelé. Sarah Zambello y veille, son texte oublie le réel, l’autrice écrit dans la langue de l’enfance, celle où les arbres sont des refuges, les oiseaux des compagnons de bavardage à bâtons rompus, et les longues après-midis autant d’initiations à la vie...

Voici un album qui fait rêver, qui fait rire aussi, et parler ; un album d’entre-soi pour des moments apaisés.