Monsterium

Premier titre traduit en français de cet auteur-illustrateur japonais Junaida, il ne faudrait surtout pas le rater ! En effet, le style et le propos de cet artiste trouvera sans nul doute parmi le jeune public un écho enthousiaste, servi par un texte à la fois concis et tout chamarré d’images poétiques grâce à une belle traduction qui rend la lecture magique. 

Mais jugeons plutôt : comme un monstrueux château ambulant, bariolé comme un chapiteau de cirque, le Monsterium hante le monde juché sur quatre pattes de chimpanzé dotées d’un pouce opposable et de deux pattes postérieures montées sur des sabots de chèvre, à deux ongles. Évocation de la célèbre maison à pattes de poule de Baba Yaga, ce n’est pas la seule originalité de ce Musée de monstres qui aligne ses multiples yeux comme autant de phares et secoue ses longues queues et ses oreilles pelucheuses dans la brise nocturne. Il déplace sa masse imposante composée d’un bâtiment central à l’allure de palais chinois, et de multiples tourelles surmontées d’un toit rayé blanc et rouge. Quand il s’endort, épuisé, c’est d’un sommeil si lourd que cette nuit-là, eh bien, les monstres épris d’air frais se glissent par la porte que leur non moins monstrueux gardien a oublié de fermer !

Et là ! C’est un défilé de créatures dignes d’un Carnaval de l’horreur qui s’avance dans les rues de la ville, et il n’est pas si tard que les habitants ne puissent découvrir sous leurs fenêtres la trogne patibulaire de ces êtres sortis d’une imagination nourrie des mythes japonais et de leurs multiples interprétations dans la culture populaire jusqu’au cinéma de Hayao Miyazaki. Effaré, chacun fuit la rue, rentre chez lui, ferme la porte à double tour, car le long cortège silencieux s’attarde en bas de chez eux. Qui sait ce qu’il pourrait advenir…

Or, dans cette ville d’autrefois, vivent trois frères et sœurs d’aujourd’hui, dans un intérieur douillet et coloré ; Junaida imagine alors un développement parallèle à son propos. Les enfants s’ennuient, empêchés de sortir par… les monstres, vraiment ? La nuit noire peut-être aussi. Décidés, ils s’engagent alors dans un voyage imaginaire qui les entraînera dans un monde plein de fantaisie grâce à des véhicules tout aussi inattendus, comme un carton renversé sur leurs trois têtes, d’où dépassent leurs six jambes, et par les trous duquel roulent leurs six yeux : ça ne vous rappelle rien ?

Commence alors un étrange voyage, digne des merveilleux récits qui bercent l’enfance de mirages, des Pays Imaginaires, au-delà de l’arc-en-ciel, au fond obscur et dense des océans des rêves, à bord de Nautilus de baignoire, jusqu’à LA rencontre. 

Avec les Monstres. 

Un univers fantastique étonnant où la peur pince juste un peu au creux de l’estomac, teintée de la curiosité qu’éprouvent les enfants pour l’étrange, l’inconnu, le caché : avec la maîtrise d’un grand illusionniste, Junaida dévoile dans cet album quelques pans de ces univers différents, pleins de charme et envoûtants. Une extraordinaire lecture au pays de l’étrange.