Mouha

Depuis trente ans, l’univers onirique de Claude Ponti enchante les enfants, leurs parents et aujourd’hui leurs grands-parents. C’est l’éternelle jouvence de la création de l’artiste qui permet cette fusion-là : rassembler pour rêver.

Blaise, le poussin masqué et aussi le patron, donne le ton : ce sera coriace, acide et mystérieux, mais aussi poétique, ensoleillé et fabuleux, puisque c’est l’aventure de Mouha, la seule importante de son histoire.

Dans le dessin comme dans le texte, Claude Ponti s’ingénie à multiplier les allusions, les références, joue avec les mots et avec les images ; il enchaîne les épisodes du récit en tissant une toile de repères et de renvois, internes ou externes, qui font de la lecture une infinie promenade. La narration se découpe en une succession de cases le long d’un format dont l’horizontalité s’harmonise avec la balade de Mouha, la nouvelle héroïne. La déambulation traverse des paysages imbriqués, eux-mêmes parfois formés de personnages de l’histoire, ou des histoires qu’on connaît, qu’on se raconte alors, puisque c’est l’occasion. On croise ainsi King Kong et Croc-Blanc, mais aussi des bouledogues à gueule lippue, qui ne sont pas moins inquiétants que la Marfagole et le Bâfrafon ou autre Rédédékère… Toutes des créatures mauvaises qui, le long de chemins hasardeux et étranges, tendent des pièges à l’enfant. Mais la fausse ingénue, comme toujours, va son chemin ; elle résout les énigmes, compte des lapins et autant de canards, et ne goûte ni les carottes ni aucun des nombreux et variés champignons dont Claude Ponti semble dresser l’inventaire : de quoi rassembler les souvenirs pour nommer les gros pépères de cèpes, les morilles trouillotées, les girolles en parasols et les ombrelles des rosés des prés… Mouha voyage comme le ver dans le fruit à travers un verger de poires, profite d’un moment pour repeindre la coccinelle avant de rejoindre le chemin de sa maison, en ignorant superbement la hideuse troupe de monstres tous défaits et raplapla…

Claude Ponti jamais n’épuise la fantaisie et nous entraîne une nouvelle fois au pays des rêves heureusement multicolores, où l’apparence est bien une illusion, et où nos questions s’alignent et se dandinent en autant de points d’interrogation dodus et dodelinants.