Quatre petits coins de rien du tout

Jérôme Ruillier aime la simplicité. Et cet album n’est qu’une succession de ronds et de carrés colorés, comme si l’illustrateur avait tout appris dans les albums de Leo Lionni. Sur fond de toile, des papiers découpés traversent la page, s’immobilisent, deviennent plus ou moins gros. On est ici dans une belle abstraction. Mais cet album conte aussi une histoire douce amère. Car parmi tous ces ronds, il n’existe qu’un seul petit carré bleu. Après avoir joué, tous les ronds rentrent à la maison, sauf carré bleu dont l’accès lui est interdit. Il pense bien s’allonger, se distordre, se transformer. Mais rien n’y fait, il ne sera jamais rond. Cependant, avec un peu d’imagination, nul doute qu’il y a une place pour tout le monde. Jérôme Ruillier réussit avec bonheur à parler de différence et d’exclusion sans jamais être grave, jouant à chaque page avec son dispositif minimaliste, cherchant sans cesse à faire rebondir la narration. Un petit album « de rien du tout », mais qui touche et en dit beaucoup. Bravo.