Sensha, fille de Mongolie

Sensha s’apprête à quitter le plaisir de la douche qu’elle prend chez sa tante à Oulan Bator, capitale de la Mongolie, pour rejoindre sa famille, perdue dans la steppe à plusieurs heures de route. Pendant deux ans, elle a appris les joies du confort mais aussi celles de l’étude. Elle sait qu’elle veut devenir médecin en particulier pour soigner les enfants comme son frère Tomoo qui souffre d’insuffisance cardiaque. Le retour à la yourte familiale l’inquiète car elle est chargée par son oncle et sa tante, d’une précieuse boîte de médicaments destinés à sauver Tomoo. Comment sa famille acceptera-t-elle ces médecines modernes ? La jeune citadine qu’elle est devenue, retrouve au cours du voyage en camion qu’elle fait avec Ganaa la sensation de l’espace, les bonheurs qui l’attendent, son cheval, la cuisine familiale, mais aussi les risques de la route, cahots, bandits de grand chemin face auxquels le sang-froid, le courage et l’intelligence valent plus que la force. On ne quitte pas la perception de Sensha un instant, c’est à travers elle que l’on apprécie l’accueil tout en tendresse de sa grand-mère, la rudesse et la délicatesse des relations familiales. Ce roman de vie est accompagné par les illustrations de Malik Deshors qui permettent de visualiser les étapes de son parcours.
On pense à La force du berger d’Azouz Begag, dans l’effort de compréhension que propose ce livre loin de tout jugement sur la tradition, de toute apologie de la modernité. La finesse de l’auteure, sa malice, est de laisser planer le doute sur l’efficacité de la médecine occidentale face à la médecine chamanique. A l’exclusion, ou l’exclusivité, Sylvie Deshors préfère la complémentarité. Ce livre, sensible et modeste, ne donne aucune solution mais laisse la porte ouverte à la réflexion grâce à la perméabilité de son personnage aux émotions et souffles du monde que l’auteure nous invite à partager, nous lecteurs, avec Sensha, par identification. Une belle leçon de vie.