Tais-toi !

Trop petite pour sa grande chaise, enfermée dans un cadre étroit, la narratrice de cet album vit le monde adulte comme une perpétuelle succession de commandements : se taire, ne pas importuner ses parents, etc. Ce n’est pas à proprement parler un récit plutôt une longue plainte où s’oppose la voix intérieure de la fillette et le refus de parole des grands. La crise d’opposition entre elle et le monde extérieur monte crescendo jusqu’à son cri et son refus de parler, pirouette et manifestation de son indépendance ou marque de l’intériorisation de la norme ?

Chant d’orties, l’éditeur, défend une littérature de jeunesse engagée, libertaire. Ici, l’écriture, style, rythme et calligraphie, la mise en page expriment l’étouffement de l’héroïne ; les paroles rapportées des adultes, à l’ordinateur, au téléphone ou au jardin, sont tellement vraisemblables que le personnage principal n’est pas caricatural. L’illustration où prédominent les couleurs vives, les vignettes carrées sur des fonds souvent très décoratifs suggèrent l’enfermement. On éprouve physiquement à la lecture de cet album, le mal-être de l’enfant que l’on veut conforme, robotisée telle qu’elle est représentée par l’illustratrice. A rebours des enfants chouchoutés que dépeint parfois la littérature de jeunesse, Amélie Billon-Le Guennec et Gaëlle Boulanger donnent à voir non pas une enfant martyre mais une enfant muselée. Et étrangement, cela retentit bruyamment…