Toi, vole !

Un père et son fils, sans logis, trouvent refuge dans un aéroport. Le petit garçon relate cette vie au quotidien, les ruses pour ne pas se faire remarquer des services de sécurité et l’espoir qui l’anime de quitter définitivement ce lieu de passage.

Rédigé sobrement, à la façon d’un témoignage, sans pathos inutile mais un ton juste, l’ouvrage traite un sujet difficile avec brio : confronter le jeune lecteur, comme l’est le jeune narrateur, aux dures réalités économiques, à l’injustice, au terrible apprentissage de l’anonymat. Ce thème de la perte de l’identité est habilement exploité par l’image, mêlant la foule en permanence au récit, mettant l’accent sur les visages. Le rythme journalier de ces exclus, les détails pragmatiques de cette vie d’errance et d’expédients, d’aérogares en aérogares, soutenus par l’illustration réaliste, donnent son intensité et sa crédibilité à l’album. Le courageux petit bonhomme démonte les préjugés et répond aux regards dévalorisants en représentant des gens ordinaires, lui, son père, d’autres encore dans l’aéroport, malmenés par la vie, contraints d’affronter la précarité. Car, ce récit émouvant est aussi celui d’un fils et de son père, de la confiance et de la tendresse qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. C’est cet amour qui les porte et force l’espoir.
Impressionnant de vérité et de pudeur, cet album interpelle, à l’exemple de son titre. Rappelant un passage du récit où l’enfant observe un oiseau pris au piège derrière les vitres de l’aéroport qui finira par trouver une sortie, il invite son jeune lecteur à reconnaître sa chance et le bonheur présent. Bouleversante, troublante aussi, il faudra partager cette lecture blottis bien au chaud pour apporter un début de réponse aux nombreux pourquoi qu’elle suscitera.