Un mois à l'ouest

Au milieu des années 1980, il faut être jeune et fou pour passer ce « mois à l’ouest ». Parce qu’une jolie fille lui a tapé dans l’œil, Frédéric, le narrateur, dépense tout son argent dans un billet direction l’Amérique, puis le Canada. Il n’a rien prévu d’autre, puisque l’amour l’attend. Bien sûr, ledit amour fera la fine bouche, laissant notre Strasbourgeois se débrouiller seul…

Comme toujours avec Claudine Desmarteau, l’humour acide couine à toutes les pages. Que ce soient les situations absurdes ou rocambolesques, les rencontres de doux ou moins doux dingues, l’accent à couper au couteau des Québecois, les réflexions in petto du jeune éconduit, tout concourt à faire hurler de rire le lecteur. Et pourtant… en filigrane des courts chapitres et des photographies noir et blanc qui nous font visiter les grandes villes américaines, rôde un drame personnel douloureux. Tout se passe comme si ce voyage improbable allait indirectement servir à Frédéric à faire le deuil soigneusement étouffé d’un très proche… Une réussite à découvrir dès 14-15 ans et sans aucune limite d’âge.

« Et je me recroqueville sous ma veste en fermant les yeux. Sans pouvoir dormir. Une boule de peur dans le ventre, de la taille d’un embryon. Un monstre en pleine gestation, une hydre à plusieurs têtes. Peur de me faire agresser. De me faire dépouiller. De me retrouver à sec, obligé de faire la manche ou de sucer des bites. Peur de tomber malade – j’ai mal à la gorge. De mourir sur le sol américain d’une angine foudroyante. De ne pas revoir la France, jamais. Peur qu’elle revienne me hanter. L’image horrible. » (p. 79)