Une chienne de vie

Ophélia est une petite chienne teckel à poil dur, et sa vie n’a rien d’une vie de chien ! Au sens propre, la voilà sous le feu des projecteurs, c’est elle la vedette de cet album !

L’adoption et les premières relations d’Ophélia avec les humains qui l’accueillent sont prétexte à de multiples saynètes pleines de drôlerie qui raviront les petits. Le texte est minimaliste quand le dessin se suffit à lui-même, ou au contraire développé dans un style proche du guide touristique, ce qui accentue le comique de situation puisque le dessinateur croque les réactions d’Ophélia, plutôt décalées dans cet univers.

Car si le thème est intemporel, son traitement par Floc’h est très particulier. Les silhouettes au contour souligné d’un trait noir appartiennent à la famille des héros « ligne claire », et leur dynamisme est le même que celui qui anime l’œuvre d’E. P. Jacobs, le créateur de Blake et Mortimer ; mais leur allure rappelle aussi l’univers de la célèbre Bécassine, bonne bretonne d’une famille de grands bourgeois, où les hommes portent un costume croisé, et les filles et leurs mères arborent la fameuse coupe « à la garçonne », et poussent des landaus à grandes roues. L’auteur a choisi son époque, et il arrête le temps. Le cadre enchanteur des vacances sert l’évocation d’une vie de catalogue, codifiée et normée. Des doubles-pages saturées de couleur pour dépeindre les somptueux paysages et sites culturels de la côte basque empruntent leur mise en scène aux anciennes publicités pour stations thermales ou de sport d’hiver. Même le profil rustique et moustachu du teckel à poil dur n’est pas sans rappeler certains traits spécifiques d’une forme de vie très british countryside style. Le style de Floc’h est nourri de références.

Les doubles sens, les clins d’œil, comme la séance de copie au musée, la présence de Frédéric Beigbeder dans la file d’attente de la librairie parisienne Shakespeare and Company, feront sourire les plus avertis.

Mais il est probable que tout cet appareil un peu déroutant dans un album pour enfants, n’empêchera pas les petits lecteurs d’apprécier les facéties d’Ophélia qui barbote dans le bassin des otaries au Musée de la Mer, prend la pose sur la planche de surf ou s’amuse avec la cape rouge du faux toréador sur la Plazza Mayor, à San Sebastián. C’est l’essentiel !