Vacarme

Le narrateur est un éléphanteau aux oreilles trop grandes. Les mains qu’il met dessus pour limiter le « vacarme » sont trop petites. Cette relation entre le trop grand et le trop petit est au cœur du nouvel album de Gaëtan Dorémus.
Le gris se dispute au bleu et sa vie n’a rien d’un ciel sans nuage. Du plus futile au plus grave, le narrateur nomme ce qui ne le « rassure » pas. De la cocotte-minute à la maison, aux bruits de la rue, klaxon ou voitures, jusqu’à la douleur des enfants immigrés, le héros est comme une caisse de résonnance des déchirures du monde adulte. Collage et crayon suffisent à créer la peur, à l’exprimer. Envahissante, l’angoisse est palpable dans le jeu des oreilles qui cachent un œil, deux yeux, comme une comptine. Debout, couché, caché, l’éléphanteau se défend comme il peut mais les grandes doubles pages sans commentaire, disent que la lutte est inégale. L’orage, la vague, le tank, la futilité des jeux télé, les adultes hurlant, écrasent les larmes du nounours, le désespoir des détenus. Humoristique à certains égards, le pêle-mêle des situations inégales, cet inventaire déployé sous le regard du héros, contribue à sa désorientation jusqu’à l’affirmation finale « je suis / un éléphant/ petit / qui fait du bruit / moi aussi » et cela fait du bien. Le passage du chaos à l’envol passe par l’écoute des bruits de la nature et se déploie comme un espoir. L’éléphanteau a grandi, hourrah, on referme le livre – presque – soulagé !