Vive les vacances !

Chaque été, le narrateur, petit garçon d’une dizaine d’années, part avec sa famille chez sa grand-mère, sur une petite île bretonne où elle règne en maîtresse. Les journées s’écoulent en tâches domestiques diverses et variées, récompensées au mieux d’une demie-pâtisserie le dimanche. La grand–mère a en effet vécu deux guerres, et en a conservé un goût immodéré pour l’effort et l’austérité.

On s’interroge d’abord avec curiosité sur la part autobiographique de ce premier roman jeunesse de François-Xavier Delmas, par ailleurs directeur du Palais des Thés, une chaîne de boutiques haut de gamme. Et puis peu importe : l’auteur a un talent indéniable. Les très courts chapitres fonctionnent de l’un à l’autre par association d’idées, suivant le déroulement global d’un été, de l’arrivée épique au départ compliqué. Les anecdotes piquantes ne manquent pas – chacun retiendra la sienne, des robes en laine rouge que l’aïeule oblige la fratrie à porter au recyclage habile des déchets humains, en passant par la tartine avec beurre ou confiture, mais pas les deux. Petit monde clos, soigneusement au-dessus des villageois d’alentour, l’île et ses habitants supportent mal l’intrusion, et les quelques amis des enfants ne sont autorisés qu’à de rares passages-éclairs. Les corvées quotidiennes occupent le temps et les esprits, et le jeune narrateur regrette l’absence de place laissée à la rêverie (ne parlons même pas de la fantaisie) : la nature omniprésente, que l’on devine superbe, est réduite à sa fonction nourricière ou pratique. La mère, personnage dominé par mamita, oscille entre complicité et rejet ; le père et la sœur aînée, les favoris, ne se mêlent pas des états d’âme des autres. Pour revisiter ces vacances tyrannisées, le narrateur, devenu adulte, adopte un ton distancié, constamment ironique mais sans jugement : dans l’univers guindé, très vieille France de la grand-mère, tout n’est pas mauvais, on y pratique la charité et le pardon chrétiens. A la fois drôle et triste, toujours tendre, le récit brillant de ces étés d’autrefois s’adresse à un public averti, à partir de 13-14 ans.