La souris qui n'existait pas

Ce beau chat gris ne pense qu’à une chose : les souris qu’il a dans la tête. Et il en a plein ! Dans l’imagination du chat, se trouve ainsi une multitude de souris, toutes bien différenciées les unes des autres : l’une fait cuire des œufs, l’autre a la queue tordue ; l’une ne parle pas de langue étrangère, l’autre cultive un potager. Parfois, c’est tout un groupe qui apparaît, dansant la polka, achetant des bottes ou prenant l’autocar. Notre chat pense tellement à ses souris qu’il refuse à ses amis toute sortie. Car il y a une souris, unique, à laquelle il n’arrive pas à penser. LA souris manquante au rendez-vous, celle qui tarde, qui se fait désirer.

L’obsession du héros emplit les pages et le lecteur ressent de plus en plus l’ampleur de sa pathologie : voilà les souris qui envahissent les pages, qui sont de plus en plus précises, qui deviennent omniprésentes. Et la vie du chat, torturée, maudite, devient un cercle vicieux obsessionnel. Le texte, d’une grande beauté, fait s’enchaîner les questionnements, les interrogations, les tourments. Quant à l’image, elle montre également la démesure du problème grâce à une succession intense de dessins de multiples souris et du chat tourmenté.

Et puis, revirement tant attendu, l’album devient sans texte et l’amitié évidente, immédiate, entre le chat et la fameuse souris se teinte de poésie. Le lecteur peut alors avoir tout le temps pour savourer enfin les doux traits de crayons, les délicates couleurs. Voici une histoire qui présente différemment une relation duelle, tout en mettant en avant les tourments de l’esprit : un pari risqué et relevé avec brio.