La poudrière de mon grand-père

Aladin réussit à enfermer dans sa lampe un génie mais c’est un conte. Ici, c’est bien réel et prosaïque, l’auteur-narrateur, Xu Lu, enferme dans une « poudrière » l’esprit de son grand-père. Le récit, construit rétrospectivement, revisite l’enfance du narrateur. On le voit marcher aux côtés du vieil homme, dans une Chine montagneuse, en pleine nature, loin de l’image que l’on se fait de la Chine des très grandes villes et de l’industrie. Le grand-père, garde forestier, veille sur un immense domaine montagnard et dans ses gestes mesurés et calmes, l’enfant admire en particulier celui d’allumer une pipe avec une pierre à feu et de la poudre contenue dans une boîte, la « poudrière ». L’archaïsme d’un tel geste contient toute la poésie de l’histoire, la tendresse et le respect de l’enfant pour son aïeul, le symbole de paix et d’harmonie avec la nature que cela représente.

Etonnamment, le récit bascule de l’élégie au conte moral, animalier. En effet, l’enfant n’est pas le seul à être intrigué par la « boîte à poudre », un jeune renard observe le grand-père, dérobe la poudrière et met le feu à la forêt. Le fautif est jugé, se repent et répare son larcin. Cette parenthèse refermée, le récit se poursuit, la vieillesse de grand-père loin des montagnes, sa vie à petits pas au village et sa mort.

L’illustration aquarellée épouse la splendeur de la montagne en hiver et en automne, la finesse naïve du renard et des animaux et la lenteur des gestes villageois. Zhu Chengliang adhère totalement à la vie du grand-père et l’histoire palpite dans son dessin.

Dans cet éloge funèbre, l’auteur et l’illustrateur expriment, au-delà de leur tendresse pour ce grand-père, modeste et humble, un attachement à un mode de vie, une volonté de respirer au rythme du monde. Un album touchant de piété filiale et d’aspiration à une vie simple, austère comme un monde enfui.