Le collège des éplucheurs de citrouilles

A Trégondern, au collège des Museaux, on a des principes. Le cuisinier ne sert que du bio expérimental, les punitions consistent en corvées d'épluchures – la citrouille étant beaucoup plus coriace que la patate d'un autre livre… –, ou en lectures de la Recherche (« C'est genre un livre très, très difficile, un mot sur deux tu l'as jamais croisé dans ta vie », p. 264). En techno on construit une maison en bois et en langues vivantes on baragouine estonien.

Péline, native du coin, adore. Les jeunes en réinsertion venus compléter les effectifs, beaucoup moins. Eliott est un cas à part, un sensible qui voudrait protéger sa mère. Il cache un magnifique bijou lui appartenant, une broche en forme de colibri que convoite son « beau-père » Vince. Mais ce dernier est dangereux. Sous le coup de la peur, Eliott se rapproche peu à peu de Péline et lui raconte ses secrets…

L'histoire vaguement policière est un délicieux prétexte à donner vie à cet « internat en milieu rural » où le réseau téléphonique ne passe pas. CPE dépassé, profs convaincus de leur mission, élèves en rébellion, cuisinier caractériel, autochtones tranquilles, etc. : la galerie de personnages est absolument géniale. On pense très fort à Malika Ferdjoukh pour l'humour affectueux, la familiarité immédiate. L'écriture à l'avenant fuse de bonnes idées, divertit sans jamais céder à la facilité. L'usage du discours indirect libre compte dans le roman savoureux, permettant de suivre les pensées tarabiscotées de chacun (et particulièrement Péline et Eliott). Alors, oui, cette histoire de colibri caché ne tient pas vraiment la route mais on s'en moque complètement ! Plaisir de lecture garanti.

« – Le conseil général nous a alloué un crédit spécial et on a pu acheter du matériel neuf. Aussi allons-nous commencer l'année par la lecture d'un récit très original de l'écrivain tchétchène Youri Larbadov, Mille façons de cuisiner une poule moldave, récit satirique et cocasse des déboires d'une famille de terroristes qui tente d'émigrer sans jamais y parvenir. » (p. 19)