Trois frères pour un seul trésor

Trois frères magiciens ont l’extrême chance de recevoir, comme un cadeau tombé du ciel, un nid d’hirondelle. Bao, l’aîné, ses cadets Kinh et Diang-Long, le plus gourmand, se chamaillent pour savoir comment utiliser ce don. En faire un mets délicieux, un moyen d’impressionner l’empereur ou l’ingrédient d’une potion puissante ? Le débat est ouvert. Incapables de décider ce qu’ils pourraient en faire, Bao propose de soumettre le choix à la compétition. Le trio suivra la proposition de celui des trois qui exécutera la magie la plus extraordinaire.

Kinh fait preuve de sa maîtrise de l’eau et des poissons. Il plonge sa main dans l’eau. Elle se met à tourbillonner et une arche de carpes émerge du bassin. L’illustration de Judith Gueyfier associe le calme de la situation initiale et la démesure des magies mises en œuvre. C’est ainsi qu’elle oppose l’image prosaïque et tranquille des jeunes magiciens et l’ampleur de leurs pouvoirs, puisqu’ils commandent aux éléments. Alors que Kinh soumet l’eau ; Diang-Long domine la terre. Il fait pousser un cerisier en fleurs sous nos yeux ébahis. Quant à Bao, il parle aux vents et au feu. De plus en plus fort ! Tellement fort que le dragon, animal mythique, dans sa toute-puissance dévaste tout sur son passage, y compris le précieux nid d’hirondelle, objet de leur débat.

Ce conte merveilleux d’Annelise Heurtier en forme de fable laisse au lecteur le soin de la morale : à vouloir être le plus fort, vouloir avoir raison contre les autres, on risque la catastrophe. Le monde dévasté est une image actuelle de la démesure humaine et on comprend alors le parti-pris de l’illustratrice : nous sommes tous, chacun à notre manière, des apprentis-sorciers. Une seconde chance est toutefois accordée aux trois héros. Le raffinement de l’histoire et des images, tout en volutes et en courbes, son dépaysement dans une Chine imaginaire, offrent au jeune lecteur un livre qui répond à un double objectif : séduire et instruire. C’est réussi !