Hernig et Zebraël

Menacé par un effroyable loup, le village de Bernagore fait appel à Hernig et Zebraël pour venir sauver ses habitants. Malgré leurs différences de taille, d’âge et surtout de caractère, ces derniers sont amenés à trouver un terrain d’entente pour mutualiser leurs forces et mettre à mal leur ennemi commun, même si chacun garde dans un coin de sa tête la récompense promise. La belle Elaeis a en effet promis de porter les enfants de celui qui tuera le loup ! Cette traque au loup devient dès lors l’occasion d’un voyage géographique et introspectif au cours duquel, de conversations en épreuves, les personnages éponymes de cet album feront l’expérience de l’amitié et de la vie.

Le conte initiatique qu’a composé Victor Boissel est raconté avec raffinement et poésie. Chaque tournure lexicale et syntaxique est un pas de plus menant le lecteur dans l’univers merveilleux du village de Bernagore, de la forêt des Aguérides et de l’Aguille du Crapaud. L’on apprécie le duo haut en couleurs et en personnalité que forment le taiseux et taciturne Hernig avec le fougueux et menteur Zebraël. On se laisse embarquer dans ce récit merveilleux au dénouement si surprenant, auquel la narration très construite et parfaitement cohérente a pourtant amené le lecteur de manière implacable.

Les illustrations de Beax participent également à l’univers merveilleux de l’intrigue. Les jeux sur les tailles des personnages, sur les points de vue pris dans les images, la palette de couleurs utilisée, si elles étonnent d’abord le lecteur, apportent ensuite originalité et unité au cadre spatio-temporel ainsi qu’aux personnages présentés dans cet album grand format, et partant, à l’intrigue.

En dépit de la qualité du travail de l’auteur et de l’illustratrice en l’occurrence très talentueux, nous nous interrogeons sur la « cible » de lecteurs visés par cet album. Ce livre est-il un album jeunesse ou un roman illustré pour adulte ? Même si nous n’apprécions pas de classer les œuvres dans des cases ou des catégories stériles qui ne servent pas la réception des dites oeuvres, la question se pose en effet. La syntaxe utilisée, s’il est certain qu’elle sera très appréciée par un public de lecteurs avertis, ainsi que la longueur du texte, permettent difficilement une lecture à haute voix pour des plus jeunes. Quant à la toute dernière phrase du texte, « Hernig et Elaeis restèrent à Bernagore où ils vécurent très heureux même s’ils eurent beaucoup d’enfants », elle laisse quelque peu dubitatif même un lecteur prompt au second degré et à l’humour. Le débat reste donc ouvert…