La recette des parents

Au début du monde, il n’y a que les enfants. Ils sont très occupés et n’ont pas du tout le temps de jouer. C’est alors qu’Olga, une petite fille a l’idée de construire quelqu’un à son image. Une Mmmmaman et un un Ppppapa pour lui tenir compagnie.

Ce thème de l’inversion des rôles, du monde à l’envers est un classique de l’enfance ! Ce qui surprend dans l’écriture de Martin Page, c’est le sérieux qui émane des situations, aidé en cela par le style froid et même hiératique de Quentin Faucompré. Les parents ne répondent pas aux désirs des enfants qui ne sont pas leur progéniture mais au contraire, ils vont « même jusqu’à tuer des animaux ». Les enfants font ce qu’ils peuvent pour que leurs parents soient heureux et joueurs, ils utilisent de nouvelles recettes qui ne donnent pas satisfaction non plus, soit ils se transforment en objet, soit ils deviennent n’importe quoi. « C’était le bazar », jusqu’au moment où les enfants insufflent dans l’oreille des parents, la liberté. Qu’en feront-ils ? « Désormais, c’était à eux de choisir leur propre recette ».

Il y a beaucoup d’humour et d’étrangeté dans cette fable philosophique : apprendre la liberté, la donner, est une longue histoire. Asservir quelqu’un à ses désirs, à ses besoins ne rend ni l’esclave ni le maître heureux. L’image finale où une main d’enfant tend à une main adulte un entonnoir symbole du gavage fait penser de façon dérisoire au doigt de Dieu qui crée l’Adam de Michel-Ange. Ce feuilletage de significations, d’images étranges rend ce livre riche et surprenant. Intriguant et stimulant.