Nous sommes ceux du refuge

Lucie, jeune fille sage animée par la foi chrétienne, fugue brutalement. Ses parents ne se remettent pas de leur inquiétude, un jeune inspecteur enquête. Les proches n'ont rien remarqué, mais la parole se délie au fil des jours qui passent, révélant des secrets du passé de chacun... Parallèlement, le lecteur suit aussi Lucie, récupérée après une blessure dans la forêt par un groupe d'hommes et de femmes vivant dans des grottes, en marge du monde. Lucie tombe amoureuse de l'un d'entre eux, un jeune homme nommé Pierre. Elle apprécie l'univers de douceur et d'honnêteté du Refuge, qui la change de ce qu'elle a vécu comme des « trahisons » à la ville. Mais voudra-t-elle pour autant abandonner sa famille ?

S'il fallait donner une palme de l'originalité, ce roman ferait au moins partie des lauréats. Son narrateur externe mène deux histoires, l'une policière et tâtonnante, l'autre qui serait presque surnaturelle si les détails matériels (plausibles) de l'organisation du Refuge n'étaient sans cesse rappelés. Cette société close et comme figée dans le temps séduit d'abord Lucie, adolescente éprise d'un absolu de pureté. Mais – bonne idée de Delphine Laurent – des fêlures finissent par apparaître entre les acteurs de ce petit univers resserré, et par donner envie à l'héroïne de poursuivre autrement sa destinée, sans pour autant laisser Pierre derrière elle. Quant au policier (l'autre histoire), il avance tout doucement, se trompe et reprend ses indices, entame une sorte de flirt avec la jeune cousine de Lucie (on ne voit pas très bien ce que cet amour a priori interdit apporte à l'intrigue en général : insistance sur la notion de liberté ?). Et puis, il y a la foi chrétienne des parents, que le lecteur pensera d'abord carcan avant d'en voir les ouvertures au nom de l'amour... Pas complètement captivant car les personnages manquent d'ampleur, mais assurément intrigant et très imaginatif, Nous sommes ceux du refuge ouvre de nombreuses pistes de réflexion sur la façon dont nous choisissons de mener nos vies.