Les fragiles

Drew (Andrew) est le fils de Cédric et Cindy. Parents adolescents, ils sont restés ensemble pour lui. Maintenant, Drew a dix-sept ans, et Cédric est parti. Cindy se noie dans le travail et les expériences capillaires. Cédric voudrait maintenir le contact avec son fils, en faire un plombier comme lui. Cependant Drew, mal dans sa peau, a appris à cacher ses bonnes notes, ses envies, ses rejets. Il ne se révèle que dans la pratique de la lutte et au contact de Sky, fille lumineuse mais pas amoureuse…
Le roman commence sur ce qu’on soupçonne être un drame : Drew a fini par revoir son père, lequel est par terre et ne se relève pas. Ce présent en court italique est vite interrompu d’une part par le récit de la journée heure par heure, d’autre part par des souvenirs d’un Drew de dix ans. Chacun des personnages a le loisir de s’exprimer, suivi par un narrateur externe ou au discours indirect libre.
Cette dernière forme, facilement orale, offre une plongée directe dans la tête des personnages, et notamment dans celle de Cédric. Si l’homme est raciste, colérique, alcoolique, ce que lui reprochent femme et fils, certaines de ses pensées le réhabilite : oui, il aime son fils, non, il n’a pas choisi sa vie. Mais cela, Drew ne le sait pas, et vit dans le rappel d’un accident de la route survenu alors qu’il était enfant : son père a renversé un homme, ne s’est pas arrêté, et a traité la victime de « sale nègre »…
Cécile Roumiguière raconte une histoire à la fois ordinaire (le trio familial et leurs relations, la présence de Sky) et tragique (la fin) en opérant une sorte de dissection mentale de ses héros, à leur corps défendant. Elle propose dans le même temps au lecteur une déconstruction-reconstruction du temps qui passe, et des derniers événements. Le lecteur n’est toutefois jamais perdu, épousant le rythme de ces vies difficiles. Fragiles, tout simplement. Au final, un roman qui sait être d’un réalisme intense et d’une littérarité profonde.