Hérodote le hérisson

S’appeler Hérodote quand on est un hérisson oblige à une certaine élévation d’esprit. Et c’est bien cela qui caractérise Hérodote. Ouvert sur le monde et les autres, il regarde vivre les animaux de la forêt, il les écoute raconter leurs valeurs et chacun, l’ours, le renard, la belette, le lièvre, la loutre, lui parlent de leur Grand Esprit. Il pense de tout cela « C’est drôlement intéressant ! », à l’opposé de cette attitude, tous ont une fâcheuse tendance à se considérer comme supérieur aux autres, qu’ainsi, ils méprisent... et tous défendent l’idée d’un seul Grand Esprit, le leur. Seul, le vénérable, un hérisson fort âgé s’en tient à ce qui se voit « le soleil se lève puis se couche ».

La trame de cette fable métaphysique ne rend pas grâce au charme et à la qualité de cet album qui tient aussi à son illustration. Hérodote, en boule ou tout ébouriffé de piquants est vraiment adorable. Ses yeux ronds et vifs furètent de droite et gauche selon son interlocuteur ou sa curiosité. Les paysages et les animaux qu’il rencontre sont à la fois très précis et un peu flous. Ils doivent cela à la technique du monotype utilisée par l’auteur illustrateur qui nimbe de douceur les interrogations et contribue à l’ambiance où « l’imprécis au précis se joint ».

Le cheminement d’Hérodote, son parcours d’un animal à un autre, huppe ou corbeau, tout proclame sa grandeur d’esprit et sa tolérance. Même s’il a peur du renard, il va le voir mais évite le blaireau et le hibou. Ouvert et tolérant, oui, mais avec des limites ? Certains seraient-ils irréductibles ?

Avec poésie et humour, modestie comme Hérodote, Jean-Luc Buquet construit une « petite » histoire, en écho aux contes des Lumières et aux débats d’aujourd’hui. Une bien séduisante façon de parler aux enfants.