Camarades

Sans réfléchir aux conséquences de son acte, Eulalie brûle le verger de sa grand-mère. Un soir de trop et le visage ensanglanté, Gisèle quitte la maison de son père. Par une nuit glaciale à l’extrême, Evgueni parvient à fuir l’enfer d’un camp russe. Avide de découvrir le monde, Eddie le Gallois se fait embaucher comme apprenti journaliste. Nous sommes en 1869, tous ces jeunes gens n’ont pas vingt ans, mais envie de bonheur, pour eux et pour les autres.

Eulalie va trouver une place chez des religieuses, et apprendre à utiliser les plantes médicinales. Elle cherche aussi à se rapprocher de Garaï, son père, imprimeur anarchiste et irascible, peut-être toujours amoureux de sa mère Clara. Gisèle est employée dans un hôpital, sous la protection de Pernille, médecin atypique. Evgueni rejoint la Pologne, et tente d’oublier l’horreur. Eddie accompagne son mentor Galbraith et la journaliste Clara jusqu’à Varsovie, pour témoigner de l’emprise russe.

A travers ces quelques phrases, nous voyons des liens entre les personnages commencer à se dessiner. Chacun prend la parole à son tour, les filles sont souvent à l’honneur. Il est question de politique, de religion (voir l’hôpital), mais aussi d’intime. Tout paraît douleur chez ces héros souvent enflammés, et pourtant la vie intense qui émane d’eux ne peut être que joie. Le ou plutôt les récits mis en place par Shaïne Cassim sont extrêmement nuancés, merveilleusement crédibles.

1869 : le lecteur attend au tournant la Commune de Paris, imagine des épisodes flamboyants sur les barricades. Mais l’auteure ne choisit pas la facilité, privilégiant un long avant et un court après assumé par Garaï, qui ouvre enfin son cœur. De fait, si le contexte historique n’est jamais prétexte, il ne fait au fond qu’accompagner des jeunes terriblement humains, avec leurs défauts, leurs faiblesses et leurs qualités qui triomphent dans un désir de vivre ensemble très contemporain.