Rhino vole !

Rhino vole ! Injonction ou exclamation stupéfaite ? … Roger rêve ! Sur une drôle de machine à base d’hélice, de roues, de tonneau, reliée à un ballon fermé par des chaussettes. Avec ou sans les mains, il dessine dans la page, sinon des arabesques, au moins des figures surprenantes. Comment y parvient-il ? C’est ce que nous apprend l’histoire de Roger. « Il paraît que les rhinos ne savent pas voler » Ce constat de départ, cette vérité partagée, « soi-disant », dont doute le narrateur, ne satisfait pas Roger, le héros, « rhino doux rêveur à ses heures ». Roger veut voler, et cette volonté ne cède pas devant les railleries des animaux moqueurs qui observent, narquois, ses tentatives.

Roger n’a pas d’illusion sur ce qu’il est, il connaît son poids, sa taille, l’impossibilité que cela constitue et pourtant, sa volonté dépasse la physique. Cette belle leçon d’optimisme amuse grâce au délire des inventions, aux illustrations qui mettent en scène les tentatives et à la structure narrative : une page d’essai, une page d’échec, une deuxième sur la déception, une page sur la moquerie et ça repart pour une autre tentative. Chaque fois, le public de son échec est plus nombreux. Tour à tour, You et Pat, girafe et suricate ; puis, Gilles et René, gorille et chat tigré, enfin un babouin et un chimpanzé se moquent de lui en termes peu flatteurs. Chacun décrit son poids, ses bourrelets grassouillets, sa boursouflure. La traduction est joyeuse et bien trouvée, sonorités, jeu de rimes intérieures, mais aussi langage oral créent une atmosphère comique où le thème habituel du fada qui déraille se transforme en victoire de la volonté contre le sort.

Les portraits de Roger dépité par sa chute sont adorables. Avec son œil triste et sa corne basse, il a tout du vaincu malheureux. Les machines qu’il construit sont des petits chefs d’œuvre de bricolage. Pourquoi un parapluie à pois rouges ? Pourquoi un balai, une brosse et une serpillière ? Et pourquoi des chaussettes sur son ballon ? Irréalisme ou génie inventif ? Peu importe dans l’atmosphère ocre et bleue de cette savane imaginaire, Roger le rhino vole… Et il l’a bien mérité !