Réveille-toi Raymond !

Que font donc les animaux lorsqu’ils hibernent ? Ils rêvent ? Peut-être… C’est l’hypothèse qui sous-tend cet album d’Anne Crauzaz où se poursuivent les aventures de Raymond l’escargot. Nous le suivons, adorable, avec ses petites cornes et sa coquille à petits pois. L’histoire commence à l’automne et l’auteure-illustratrice excelle dans l’évocation de la saison des fruits et des pluies. Comme de gigantesques sucettes, pommes et poires énormes sont dessinées sur des arbres réduits à leur forme générale et la pluie à longs traits obliques partage la moitié de l’image : tout est dit.

La fantaisie s’introduit ensuite, Raymond et Juliette se pressent de rentrer. On ne voit d’eux que leurs cornes abritées sous deux petits parapluies tandis que souris et limaces traînent. Le temps avance, une poire tombée au sol est gagnée par la pourriture. Cette écriture graphique du temps chez Anne Crauzaz est tout à fait saisissante. L’hiver approche, il est d’abord gris marron, puis blanc par couches de neige superposées avant la bascule dans le rêve… Discrètement, Raymond sur le dos de l’oiseau nous fait penser à Nils Holgersson, il rencontre trois brigands (pas ceux d’Ungerer, quoique), il est tour à tour grand et petit comme Alice. Mais surtout il y a comme un jeu d’Anne Crauzaz avec elle-même puisque nous retrouvons le hérisson, la taupe, les champignons ou les fraises animées comme une parodie des dessins de l’auteure et le lecteur est dans la perplexité. Quel est donc ce monde hostile qui laisse Raymond déconfit comme un fêtard, chapeau pointu, mal dans sa peau ?

Le troisième temps bref de ce récit est le retour au réel, le printemps s’approche. Les arbres du début sont maintenant couverts de fleurs… Raymond (et Juliette) vont pouvoir sortir, pour de nouvelles aventures ?

Un album très expert où se mélangent le réel, le fantastique, la fantaisie grâce au style très reconnaissable d’Anne Crauzaz.