Yasuke

Récit d’aventure et récit initiatique, Yasuke, nous transporte dans l’espace et le temps. Au XVIe siècle, au pied du Kilimandjaro, un bel enfant noir garde des chèvres.

Dès la première page, le brun rouge de la terre d’où émane l’enfant tranche avec le bleu turquoise frappant de l’atmosphère. Le noir et le blanc servent au dessin et les images très contemporaines dépaysent.

Cet enfant seul regarde la montagne comme un désir d’ailleurs. Seul, il l’est. Comme une malédiction, sans nom, esclave, il est sans existence, porteur d’une marque à l’instar du bétail qu’il garde. L’Afrique est tracée à grands traits à travers ses animaux, buffles, girafes. On ne sait rien de son voyage mais il arrive à la mer où se profile un navire qui ensuite affronte la vague, référence explicite à Hokusaï.

Plein d’ellipses, ce récit énigmatique nous entraîne dans l’itinéraire de ce jeune Noir au destin exemplaire. On a du mal à imaginer le périple, les difficultés de ce jeune qui devient samouraï et dépasse sa condition première.

Le hiératisme des guerriers japonais, le visage du jeune Noir, déterminé au pied du mont Fuji nous impressionnent. De la violence faite à l’enfant-esclave sans nom à la violence de la guerre légale où il choisit son nom comme un titre de gloire, il y a comme une méditation sur le nom qui donne naissance. Cette histoire est tellement étonnante que l’auteur prend la précaution de citer ses sources d’époque de sorte que se superposent une épopée et un documentaire, dans un style graphique hors du temps. Un album austère, fort.