Encyclopédie de cet idiot d'Albert

Après un abécédaire surprenant, un livre à compter particulier, des histoires (pas très) naturelles, voici une encyclopède « imagée et idiote » dédiée à Pierre Desproges ! Albert Lémant, cet idiot d’Albert, l’auteur-illustrateur, y révèle les mêmes qualités de dessinateur et de graveur et le même humour ravageur. Cela se présente comme une reprise respectueuse de l’Encyclopédie, révérence faite à Diderot et d’Alembert, mais il s’agit d’un « DICTIONNAIRE IRRAISONNé, Avec Approbation Dubitative et Sans Privilège du Roy ». Trois girafes, totem de l’auteur, un peu contrefaites avec leurs pattes courtes, illustrent cette profession de foi. On reconnaît l’écart caractéristique de l’écriture humoristique : une grande connaissance des textes classiques et un pas de côté pour tourner l’information donnée en dérision.

Comme dans une encyclopédie, cet album comporte des entrées : zoologie, métiers, gastronomie, sports. Chacune d’elle commence par un portrait délirant d’un homme remarquable. Le zoologue Hans-Wilhem Shtrudelkopff, Amedeo Polpaccio, dernier représentant de la Guilde des Calembours Gastronomes de Lombardie, Amédée Barbe-Blême, ogre raffiné « gast’hors’norme au palais délicat » et Lord Archibald Slugg. Le sens du nom, la diversité des emprunts à l’allemand, l’italien, l’anglais marquent à la fois la fantaisie et le stéréotype : le scientifique est allemand, le gros mangeur français ! C’est à la fois drôle et gentiment convenu. Les textes oscillent entre ces deux pôles, délire pour faire éclater de rire certains lecteurs ou procédé un peu systématique de collages incongrus pour d’autres. Quoi qu’il en soit, une grande liberté et inventivité. A lire en particulier : la genèse de « E pericoloso sporgersi », délicieusement tirée par les cheveux, où s’illustre l’écriture par approximations successives à partir de « La Périchole au zoo !... Ce port de Jersey ».

Faisant suite au texte de présentation, des vignettes de mise en situation et des planches complètes de détails illustrent, exemplifient les articles. Chaque dessin est d’une grande drôlerie et nécessite un regard affûté. La collection de chats ou de poules vaut le détour. Les attifets et les visières, détails des vêtements des métiers, suscitent l’admiration et les scènes de vie comme celle du dentiste-ferrant font froid dans le dos !

Un livre pour des grands lecteurs si on veut en goûter toutes les finesses ou pour des plus jeunes pour se laisser porter par des images étonnantes !