Radegonde et la Grand'goule

Disons-le tout net, ça finit mal pour la Grand’goule, un fier dragon femelle qui vit dans les égouts de la ville de Poitiers. Radegonde, une fillette entreprenante, nous raconte qu’elle est parvenue à surprendre la bête et à l’empoisonner d’un gâteau. Quel courage ! Applaudissons la jeune chasseuse de dragons ! Vraiment ? En renversant le livre, nous découvrons une autre version, celle de la Grand’goule. Issue du temps des dinosaures, la cracheuse de feu a vu son territoire se réduire au fil des siècles et de la mainmise des humains sur la nature (pourtant, nous ne sommes qu’au Moyen-Age). La Grand’goule a survécu tant bien que mal, se faisant discrète au point de renoncer à sa nature libre et joueuse – elle n’a bien sûr jamais mangé personne. Tout ça pour finalement se faire piéger par une douce enfant…

Il vaut mieux lire d’abord le point de vue classique, celui de Radegonde décidée à protéger son quartier. Même si la victoire est un peu facile, nous ne sommes pas déconcertés par le déroulement général d’une histoire où le petit mais rusé (la fillette) triomphe sur la force (les chevaliers ayant essayé de s’attaquer à Grand’goule). Et puis le point de vue du dragon remet les choses à leur place cruelle, invite à la réflexion critique : omnipotence de l’homme sur terre, incompréhension de l’autre, jugement sur l’apparence… Avec des illustrations dynamiques et colorées, surprenantes pour le thème historique, l’album fera mouche dans la tête des jeunes lecteurs.