Victor, viens voir !

Sur un arbre, un écureuil au premier plan, une femme en rouge le regarde par la fenêtre ; en arrière-plan, une porte bleutée ouverte sur une ombre. La couverture passée nous entrons dans la maison, la table est dressée, l’atmosphère paisible, la femme en rouge regarde toujours l’écureuil qui est maintenant en arrière-plan et elle appelle « Victor ! » Entre ces trois protagonistes va se dérouler une histoire simple et familière. Victor, le petit garçon est devant la télé, que l’on reconnaît à la lumière bleutée qui s’échappe de la porte ouverte. Il joue vaguement avec une voiture et sa maman répète : « Victor ! Viens voir ! » Victor captivé par l’ours prêt à bondir sur l’écran ne prétend pas abandonner l’image pour voir le petit animal qui leur rend visite…
De mauvaise grâce, l’enfant cède aux injonctions maternelles mais… L’écureuil a-t-il attendu ?

Il se dégage de cet album une atmosphère poignante. Un de ces minuscules événements de vie qui résume deux regards sur le monde contemporain : s’ouvrir à la nature, s’y intégrer ou être spectateur captif du virtuel. Entre mère et fils se joue une tendre bataille. Rien n’est dit, le dialogue réduit à sa plus simple expression a une grande force parce qu’on a le sentiment que l’essentiel s’échappe. Le temps suspendu de l’évènement raconté est mis en beauté par le travail sensuel, fort, chaud de peintre-illustratrice de Françoise Laude. Les masses colorées, les visages, les perspectives d’une pièce sur l’autre et les points de vue dégagés, liés à l’épaisseur de la peinture créent une tension impalpable. S’ouvre subrepticement une réflexion sur le temps qui passe, sur l’essentiel, les choix à faire. Sans en avoir l’air, un album troublant…