Bestiaire des grands et des petits

Sept ours serrés les uns contre les autres sont chapeautés par ce que l’on apprendra être un tentacule de calamar géant. Et en effet, au centre du livre, on verra huit ours perplexes, « Il faut huit ours bruns pour égaler en longueur un calamar géant. » Ce bestiaire des grands et des petits de Julie Colombet, joue avec virtuosité sur les relations entre un écrit clair, sérieux, descriptif et une illustration fantaisiste où se remarquent particulièrement les yeux, ronds, gros, interrogatifs, curieux de ce qu’ils apprennent grâce au texte. L’auteure illustratrice convoque ainsi les animaux les plus variés, inconnus pour mettre en scène des comparaisons incongrues. Trois éléphants d’Afrique « marchent » sur le nez d’un cachalot. Ils illustrent cette vérité surprenante « la tête du cachalot est lourde comme trois éléphants » Le jeu de ce bestiaire est de dépayser les animaux. On connaît les recueils qui classent, explorent le monde animal. Ici les cartes sont brouillées, mélangent univers marin et univers terrestre ; oiseaux et mammifères ; Amérique, Asie, Antarctique… Ce dépaysement produit une poésie amusée sur les merveilles de la nature dans sa grande diversité. On s’étonne de rencontrer un coq bankiva, l’ourson coquau qui ne ressemble pas à un ours et les ouistitis mignons qui portent bien leur nom. De cet inventaire sans ordre apparent naissent pourtant les critères objectifs qui servent aux classifications animales : le poids, la taille, le mode de reproduction, l’habitat, l’alimentation. Texte et images se répondent : l’otarie antarctique se réjouit d’avoir des moustaches grandes comme un kiwi et l’écureuil volant est un peu dépité d’avoir la taille du nez d’un nasique. La composition des images dans ce grand format à l’italienne, la mise en scène des attitudes, les jeux de proportions mettent en relief la caractéristique pointée. Un livre érudit et drôle pour susciter la curiosité de tous, petits et grands.