Maudite soit la guerre

Tout part du monument aux morts de la Première Guerre mondiale de Gentioux, un village creusois, qui met en scène un petit garçon levant le poing devant l'imprécation « Maudite soit la guerre ». Le monument est rarissime, à rebours des élans patriotiques de l'époque. Didier Daeninckx et Pef inventent alors le personnage de Fulbert, jeune écolier qui décide d'apporter lui-même une lettre écrite en classe à son père, alors soldat sur le front, près du Chemin des Dames. Aidé par la chance ou le destin, Fulbert parvient à réaliser son projet, avant de rentrer chez lui (et de retrouver sa mère très inquiète). Cette initiative ne sauvera malheureusement pas son père, mais peut être considérée comme un haut fait pacifiste… qui se retrouvera donc sur le monument de Gentioux.

Avec des phrases courtes et de grandes illustrations, les auteurs parviennent à dresser un portrait large de cette guerre : présence de multiples nationalités, importance des chevaux, horreur des tranchées, règles implicites (les Allemands ne tireront pas sur Fulbert), etc. Le périple de Fulbert, complètement improbable, devient crédible dans le contexte de folie de l'époque. Le dessin rond mais les visages tendus, les couleurs autour du bleu (horizon) et du kaki (la boue ?) accompagnent l'ambivalence du texte, entre optimisme tendre et conscience apeurée. De fil en aiguille, et sans forcer le lien, le monument de Gentioux arrive à point nommé en deux pages explicatives finales. Un album classique et efficace.