Les bébés ont un goût salé

Malika, du haut de son immeuble, attend. A treize ans, elle vit entre sa mère et sa petite sœur de cinq mois, dans les Barres des Noires Terres. Adolescente sérieuse et réfléchie, elle s’évade dans l’écriture et assume bravement son rôle de grande sœur, petite mère de substitution, « un vrai petit soldat », face aux défaillances des adultes.
Au début du roman, Malika doit faire face à une situation inédite. Elle est seule depuis plusieurs jours, dans l’appartement, avec sa sœur, sans aucun mot d’explication. Son père a quitté la maison, la vie s’est réorganisée et à elles trois, la mère et les filles, elles assument. Mais là, c’est la deuxième fois que Nathalie, la maman « fugue ». Assurer la sécurité et la vie de Malvina n’est pas un problème mais le centre social a organisé un séjour à la mer. Malika en rêve, elle voudrait y aller avec sa bande et son copain Steven. Le problème n’est pas l’autorisation, Malika a déjà signé à la place de sa mère, mais que faire de Malvina si personne n’est là pour veiller sur elle ?

La situation est campée par Dominique Sampierro avec beaucoup de tendresse et de réalisme. Les personnages sont crédibles, sans caricature. On y voit les petits arrangements des uns et des autres pour vivre et survivre face aux institutions mises en place : assistante sociale, collège sont des « garde-fous » mais leur fonction de contrôle menace l’unité affective de la famille. Quand le minibus attend tout le monde au bas de l’immeuble et que Steven lui-même lui demande de venir, que va faire Malika ? L’intrigue est bien menée, les discussions entre enfants et adultes traitent les uns et les autres avec respect. L’auteur accompagne son héroïne avec empathie. La fin dramatique met le lecteur face à des réalités difficiles. Ouverture au réel, connaissance de la vie, humour, un roman de lecture facile qui fait battre le cœur, tire des larmes.