Elle posait pour Picasso

Emile a dix-huit ans et des rêves plein la tête. En 1905, cela veut dire venir à Paris, et devenir poète. Installé sur la butte Montmartre, dans un appartement spartiate au Bateau-Lavoir (lieu alors inconnu), il se fait des amis : Pablo Picasso, Max Jacob, Guillaume Apollinaire dont quelques vers brûlants vont ruiner ses rêves de gloire. Mais Emile se passionne pour son quartier, vit de petits boulots, puis enquête, bouleversé à son corps défendant, sur le « suicide » d'une bouquetière ayant posé pour Picasso.

Béatrice Egémar est une auteure du sensible, qui arpente les siècles à travers ses ouvrages avec le goût du vécu et du détail. Le regard et le « je » d'Emile sont à ce titre volontiers symboliques, cherchant une histoire dans l'histoire, un moment de roman policier réussi, tortueux. Chemin faisant, nous sommes plongés dans un monde foisonnant de misère, de création et de solidarité toutes mêlées.
C'est la bohème véritable dans sa splendeur crasse, c'est un ragoût au Lapin Agile, des vaches en plein Paris, un Sacré-Cœur sans son dôme en construction... Le plaisir de lecture est garanti, tandis que Picasso s'affirme, fait sa place parmi les mécènes et les marchands d'art. Et reprennent vie des personnages oubliés par l'histoire, notamment les femmes, muses de ces artistes sans concessions : Fernande Olivier, Benedetta Canals, et puis la jeune bouquetière morte d'avoir eu trop d'espoirs. Documenté et inspiré, Elle posait pour Picasso se lit aussi bien avec l'avidité de l'amateur d'art que de celui de fait divers : captivant.

A découvrir aussi : la bande dessinée en quatre tomes Pablo de Julie Birmant et Clément Oubrerie (Dargaud, 2012-2014)