Le lion et les trois buffles

Un lion couché, la tête haute, regarde au loin. Il se lèche les babines. Cet inquiétant portrait orne la couverture du conte le lion et les trois buffles. Tout de suite, on voit que les buffles manquent à l’appel. Le récit est l’explicitation de cette absence.
Trois buffles un blanc, un jaune, un noir vivent heureux dans la vallée de leur naissance. Rien ne leur manque, mais ils s’ennuient. Ils partent découvrir le monde et une première épreuve les attend. Ils affrontent, victorieusement, un troupeau d’hyènes. Ils en tirent une leçon : « Ensemble, nous serons toujours invincibles. Restons unis à jamais ! » Forts de cette leçon, ils arrivent dans la savane. Sous l’unique arbre, se tient le lion. Il se présente « roi de la savane » et « protecteur ». La tragédie se met en place. Le lion est affamé, il sait qu’il ne peut attaquer les trois buffles ensemble. De manière inéluctable, nous assistons à la mise à mort de chaque buffle.

Sans fioriture, Moncef Dhouib illustre la stratégie du diviser pour régner. D’abord, le blanc, trop blanc. Les autres buffles laissent faire. Ensuite le jaune, trop beau. Le noir détourne les yeux. Enfin le noir comprend et se résigne… Trop tard. L’illustration de May Angeli porte le drame. De la vision idyllique de la vallée des origines où fruits et fleurs sont à profusion à l’arbre de sagesse, le baobab qui protège le lion, la nature est présente. Le jeu des hachures, la bichromie jaune et noir installent le paysage. Des gravures puissantes scandent le drame : les hyènes volent lors du combat victorieux ; le grand buffle blanc, les yeux fermés, pose en victime expiatoire ; les dents terrifiantes du lion attaquent le buffle. Ce n’est pas la force du lion qui entraîne sa victoire, c’est son intelligence des situations et la faiblesse de ses opposants. Une fable politique austère, sans concession, aux images saisissantes. Au lecteur d’écrire la morale.