Personne ne te sauvera

« Savoir qu’on va mourir est une chose. Savoir que ça va arriver bientôt en est une autre. » (page 21)

Manon vient d’apprendre par le docteur Fournier qu’elle est atteinte d’un anévrisme. Une épée de Damoclès est placée au-dessus de sa tête : elle sait désormais qu’elle peut mourir dans la seconde qui suit.
A la « Manon-chipie » succède dès lors une Manon inquiète qui doit décider si oui ou non, elle veut prendre le risque d’être opérée au cerveau. Des questions d’ordre métaphysique n’ont de cesse d’asséner la jeune fille et c’est sur un coup de tête que la sage et réfléchie Manon d’antan fugue à Las Vegas. Au Circus Circus, gigantesque hôtel de plus de trois mille sept cents chambres, elle assiste un soir à un spectacle donné par le mystérieux et séduisant Dorian. Durant ce one-man-show, l’artiste clame haut et fort qu’il est un vampire et aime à conter à qui veut l’entendre son histoire. Cependant Manon n’est pas dupe : elle est persuadée que ce numéro n’en est pas un et pressent que Dorian, même s’il le nie lorsqu’elle le lui demande, est véritablement un vampire !
Devant la détermination de Manon, devant la volonté de la jeune fille à mourir pour mieux accéder à l’immortalité grâce à un baiser de la mort que Dorian lui administrerait, le vampire accepte qu’elle le suive durant une semaine afin qu’elle se rende compte de ce à quoi ressemble son quotidien. En échange, elle promet de rentrer ensuite à Paris. Manon accepte ce marché et enregistre sur son i-phone les comptes-rendus journaliers de ce qu’elle vit alors…

Rédigé dans le cadre d’un atelier d’écriture avec une classe de collège, ce roman signé par Fabrice Colin se situe à la croisée des genres fantastique, policier et historique. Fortement inspiré de la « bit-lit », ce récit en utilise les ressorts tout en gardant ses distances à l’égard de ce type d’ouvrages très prisés par les adolescents. Il conserve ainsi son originalité. « Fantastique et romance noire » pour reprendre les mots de l’héroïne du roman sont donc au rendez-vous, mais une syntaxe exigeante, un rythme narratif haletant qui va crescendo, la part belle faite au portrait psychologique des personnages apportent de véritables plus-values à ce texte !
On regrette toutefois quelques descriptions trop rapides (on aurait aimé obtenir plus de renseignements sur Vitalis, l’ennemi juré de Dorian) ou des épisodes parfois trop rocambolesques (la fugue si simple et si rapide de Manon vers les Etats-Unis ou le fait qu’elle tire si habilement avec une arme à feu afin de sauver le vampire).
Cela n’enlève néanmoins en rien aux qualités d’écriture de Fabrice Colin et à la construction narrative progressive et cohérente de ce texte.
Un livre donc à mettre entre les mains d’adolescents en manque de sensations fortes « mordantes » !