Tchon Tchon Bleu

Sous un parasol orange et bleu en guise de maison, accompagné d’un chien Bleu, d’un chat O Ran Ge et d’un poisson Petit Bleu, Tchon Tchon Bleu, modeste paysan cultive les oranges. Tout commence par un petit nuage de neige au-dessus du champ d’orangers. Miraculeuse transformation, les oranges deviennent des sorbets. Pour traverser la rivière et les vendre à la ville, Tchon Tchon Bleu fait appel à un batelier. Celui-ci, le gourmand, Manj Tou, dévalise son client et au moment d’arriver, feint d’être malade à en mourir. N’écoutant que son bon cœur, Tchon Tchon Bleu, part à la recherche d’un médecin et rencontre Uei Ming, Empereur de Chine. Le titre n’impressionne pas Tchon Tchon Bleu mais la tristesse du roi qui cherche désespérément une belle jeune fille apparue au fond de l’eau l’émeut. A partir de ces prémisses tout s’emballe, Jasmine, la belle jeune fille, est la fille de Ron Flon, un des trois brigands de la bande des « moustaches Noires » avec Manj Tou et Mosh Ko Kain, le chef. Le père a promis sa fille au chef des brigands, alors qu’elle s’est fiancée à Uei Ming. A cette situation compliquée se mêlent les maléfices des fées Blanche-Bouffie et Valentina Tomate. Blanche-Bouffie va jeter un sort à Jasmine et prendre son apparence… les amoureux parviendront-ils à se retrouver et à s’épouser ?

Entre épopée chinoise, commedia dell’arte et conte traditionnel, Pinin Carpi opère un mélange étonnant et détonnant. On suit avec amusement le sort de la belle Jasmine transformée en grosse Jasmine, on rit au spectacle des deux bedonnants, les méchants brigands maladroits, on aime l’empereur qui se plaint de la faim et l’amitié de Tchon Tchon Bleu qui le soutient. On aimerait rencontrer les farfadets facétieux et les fantômes futés. L’illustration de Ghislaine Herbéra donne corps à toutes ces fantaisies et embellit poétiquement le texte. Masques terrifiants et paysages en lavis nous transportent dans une Chine familière et pourtant distante, hors du temps… La morale de l’histoire s’il y en a une, est de dire que même empereur, le pouvoir ne peut pas tout. Préférer la paix, nourrir, vêtir, loger les populations sans entretenir une armée qui ne pense, par essence, qu’à guerroyer est un projet politique qui mérite que la puissance publique s’y dévoue. Fantaisie totale des rebondissements et des interpellations au lecteur, délire des situations, puissance de l’image tout concourt à l’excellence de cette traduction inédite. Un livre original, une voix singulière.