Le fils de Picasso

Pablo, enfant sage et adolescent mélancolique, fils de Téa et petit-fils de Betty, coule des jours heureux aux États-Unis entre les deux femmes de sa vie. Or, le 22 août 1954 à 19 heures, le charme est rompu, l’équilibre aussi, l’avion où se trouvait Téa s’écrase. S’ensuit pour Pablo orphelin et sa grand-mère une année terrible, jusqu’à ce qu’elle lui révèle qu’elle a une « petite idée sur [son] père - je crois que c’est Picasso. » Partant de ces prémisses, l’auteure construit une intrigue qui entraîne Pablo à Paris d’abord où sa mère Téa avait posé pour le peintre avant-guerre puis dans le sud de la France à Cannes, Vallauris, sur le tournage du film de de G.H.Clouzot, Le mystère Picasso, dans une corrida, autant d’étapes pour donner à voir le grand homme en action sans quitter l’objet de la quête du héros à la recherche de son père.


L’auteure a inséré un maximum de renseignements authentiques sur Picasso dans son récit : la vie parisienne, les différentes périodes de sa peinture, ses goûts et ses amours, femmes, enfants, tauromachie et minotaure. Mené tambour battant, fondé sur une course-poursuite entre un père supposé qui se dérobe et un ado à la recherche de ses origines, ce cache-cache bénéficie de l’atmosphère d’intrigue entretenue par deux sœurs jumelles, les Zélies. Elise et Elisabeth, c’est-à-dire la grand-mère de Pablo et sa sœur, révélée d’un seul coup, manipulent, inventent, échafaudent des hypothèses qui enferment le jeune garçon dans une histoire abracadabrante mais vraisemblable. Marie Sellier utilise fort à propos, la phrase de Picasso, « l’art est un mensonge qui nous fait comprendre la vérité » et elle revendique ce mensonge pour donner à voir Picasso à l’œuvre. Elle évite les pièges du didactisme, les personnages inventés ont suffisamment de caractère pour intéresser, les atmosphères parisiennes et provençales sont bien travaillées et le vrai et le faux habilement cousus. Les annexes finales, contenant entre autres des informations sur les personnages et une biographie de Picasso, dévoilent les coulisses du récit. Il y a un plaisir malicieux à écrire ainsi dans les marges de l’Histoire. Les lecteurs seront-ils sensibles à cette double dimension « documentaire » et romanesque, est-ce que cela les mènera à découvrir Picasso ? Quoi qu’il en soit, l’écriture nous emporte et « si ce n’est pas vrai c’est bien trouvé » selon l’expression italienne !