La politique ça vous regarde!

A 80 ans passés, Michel Rocard a plus ou moins quitté la politique stricto sensu. C’est donc avec un certain recul, ou tout du moins la conscience tranquille qu’il s’adresse ici aux jeunes qui vont voter pour la première fois. Il explique l’origine de son engagement à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, alors qu’adolescent, il découvrait les ravages du nazisme et voulait comprendre comment il était possible que le peuple allemand ait suivi Hitler. Il définit alors le métier d’homme politique comme une vocation, et n’hésitera pas, au fil du texte, à parler de sujets qui fâchent : le cumul des mandats, les indemnités, le goût du pouvoir… Il se dégage non pas un désenchantement, mais une lucidité de ses propos. Michel Rocard peut parler d’expérience, et, véritable gageure, il réussit à ne pas prendre position pour le parti politique qui fut le sien, y compris en donnant des exemples précis sur ses actions en tant que premier ministre. Sans doute l’écriture à quatre mains, avec Pierre Boncenne, a-t-elle aidé. Mais l’exercice est bien respecté, et ce sont finalement ces petites réflexions personnelles qui intéresseront le plus : on a l’impression de pénétrer dans les coulisses de la politique française. Le reste est un documentaire clair et bien complet sur la démocratie et son fonctionnement, agrémenté des drôles d’illustrations de El Don Guillermo. Le jeune artiste a même caricaturé le Michel Rocard actuel, cheveux blancs et petites lunettes ! L’ouvrage se conclut classiquement par un appel aux jeunes citoyens et une incitation à aller voter, à participer à la vie politique du pays. J’ai beaucoup aimé l’interview en annexe finale (toujours par Michel Boncenne) où l’ancien premier ministre traite de sujets plus conjoncturels, tels que la nouvelle place d’Internet, la médiatisation du politique. Et comment imaginer un meilleur résumé que celui-ci : « la politique, c’est ‘l’art du possible’ »… C’est-à-dire une activité où des humains s’efforcent de choisir la solution non pas miraculeuse, mais simplement la meilleure, pour d’autres humains.