Dragons de poussière

« Une légende chinoise veut que, parfois, un peintre voie apparaître dans sa calligraphie une tête de dragon. Alors, il sait qu’il est un artiste accompli. »

Tels sont les premiers mots de ce conte philosophique, dans lequel l’artiste Thierry Dedieu interroge le processus de création.

Parce que le peintre Li Yong Pei ne parvient pas à faire naître un dragon sous son pinceau, il décide de renoncer à son art et de mener la vie simple d’un humble serviteur. Mais les dragons ne l’entendent pas ainsi et se manifestent d’une manière insolite. Ils surgissent sur le passage de sa serpillière ou dans les volutes de fumée qui surgissent lorsque Li Yong Pei choisit de brûler ses carnets de dessins … Faut-il, pour devenir un véritable artiste et gagner sa véritable liberté, faire fi des vanités de ce monde ? Calligraphier l’être plutôt que l’avoir ?

Ce beau livre, tant sur la forme que sur le fond, tout simple en apparence, pose des questions essentielles sur la relation que l’artiste, quel qu’il soit, entretient avec le monde, et sur les conditions de création. Pour traiter ce sujet, Thierry Dedieu a choisi les lavis inspirés de la peinture chinoise. Sous les larges traits de pinceaux et dans les volutes de fumée émergent, sous nos yeux, les dragons mythiques de la culture chinoise, esquissés, suggérés, expressifs. Et, dans ces pages splendides, à la fois dépouillées et fortes, il y a une note de couleurs : le peintre, minuscule personnage en mouvement ou en méditation, dont on suit le cheminement intérieur.

Thierry Dedieu, que l’on ne présente plus, n’est pas Li Yong Pei, mais il pourrait être ce personnage que l’on voit à la dernière page, celui qui scrute les nuages pour y apercevoir les dragons. La plupart de ses albums, même s’ils sont tous différents sur le plan graphique, traitent de la place et du travail de l’artiste. Magnifique.

Un conte accessible aux jeunes enfants, mais que d'autres, plus âgés, apprécieront également.